Discours du ministre serbe des Affaires étrangères Nikola Selaković lors de la session du CSNU consacrée au travail de la MINUK:
Honorable Président du Conseil de sécurité,
Honorables membres du Conseil de sécurité,
Honorable Représentant spécial,
Je tiens à remercier le Secrétaire général des Nations Unies, Guterres, et le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la MINUK, Tanin, pour le rapport et les efforts déployés pour mettre en œuvre le mandat de la MINUK. Je remercie également les membres du Conseil de sécurité de l'attention constante qu'ils portent à la question du Kosovo-Metohija. La République de Serbie tient en haute estime les activités de la Mission des Nations Unies au Kosovo-Metohija et s’emploie pour son travail le plus efficace conformément à la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU, sans en réduire la teneur, dans le but de construire et de préserver une paix, une stabilité et une sécurité durables dans la province.
Monsieur Tanin,
Recevez des expressions de notre gratitude pour l'engagement et la coopération réalisés au cours de votre mandat.
Monsieur le Président,
Le fait que la situation sécuritaire au Kosovo-Metohija au cours de la période précédante ait été marquée par un nombre croissant d'attaques et d'incidents à motivation ethnique dirigés contre les Serbes, ce qui a été également constaté dans le rapport, suscite un grand regret et une grande préoccupation; les institutions intérimaires d'administration autonome de Priština continuent de prendre des mesures unilatérales et refusent de mettre en œuvre les accords atteints dans le cadre du dialogue de Bruxelles; la discrimination institutionnelle continue contre les Serbes, les attaques contre les sites de l'Église orthodoxe serbe et on continue de saper la viabilité économique des communautés serbes de la province.
Nous témoignons qu'à un rythme accéléré, des provocations dangereuses de Priština ont lieu chaque jour, qui mettent gravement en danger la sécurité des Serbes du Kosovo-Metohija et violent directement les traités et accords atteints dans le cadre du dialogue de Bruxelles.
La dernière incursion de force des unités appelées ROSU dans la partie nord de Kosovska Mitrovica, le 13 octobre, est la neuvième incursion de ce genre. Les gaz lacrymogènes, les bombes électriques et la violence débridée deviennent le quotidien des Serbes du nord du Kosovo-Metohija, et cela doit cesser immédiatement.
Lors de la dernière attaque avec des armes à feu et des produits chimiques utilisés par les forces spéciales de Priština, Verica Đelić, 71 ans, est décédée des suites de produits chimiques utilisés dans l'intervention, 10 civils non armés ont été blessés, dont Srećko Sofronijević, 36 ans, qui était grièvement blessé dans le dos, par un fusil automatique. Un bébé de trois mois, miraculeusement resté indemne, s’est également trouvé dans le colimateur de la fusillade.
Le faux prétexte pour la dernière action unilatérale, comme l'a appelée le haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, était la lutte contre la criminalité organisée et la contrebande. Mesdames et Messieurs, la Serbie est fermement opposée à la criminalité organisée et à la contrebande, mais les membres du CSNU doivent savoir qu'un objectif mondial aussi important et général, que nous partageons tous, a été cyniquement utilisé pour une attaque armée contre des civils non armés, qui a commencé par un raid aux fusils automatiques dans les pharmacies dans lesquelles les patients de nationalité serbe et d'autres nationalités se procurent des médicaments d'une importance vitale. Quatre jours avant les élections locales au Kosovo-Metohija, afin d'obtenir des votes d'une manière irresponsable et inhumaine, pleinement motivée par des objectifs séparatistes, le régime actuel des institutions intérimaires de Priština a commencé à prouver sa position sur le statut contraire à la résolution 1244 du CSNU sur les médicaments dont dépend la vie des gens.
Quelques jours plus tôt, une autre provocation de Priština a conduit à une crise dangereuse, lorsque des membres de l'unité dite ROSU, armés de longs canons et renforcés de véhicules blindés, ont été déployés aux points de passage administratifs entre la Serbie centrale et le Kosovo et Metohija - Brnjak et Jarinje - pour y retirer les plaques serbes et les remplacer par des plaques temporaires, ce qui a violemment empêché la libre circulation des citoyens.
Ces événements n'entrent pas dans la période couverte par le dernier rapport du Secrétaire général de l'ONU sur le travail de la MINUK, mais nous devons les évoquer à cette occasion pour faire comprendre à tous à quel point la situation sur le terrain est dramatique et à quel point les conséquences des agissements unilatéraux de Priština peuvent être graves.
Les incursions de formations de police de Priština lourdement armées et composées exclusivement d'Albanais dans le nord du Kosovo-Metohija, sous divers prétextes et motifs, avec un usage excessif de la force, sont des provocations qui ont un potentiel extrêmement dangereux de déstabiliser la situation sécuritaire déjà délicate sur le terrain. Le but des dernières incursions des forces spéciales de Priština dans le nord de la province était de provoquer les Serbes et de les intimider en plus par une démonstration de force, et de provoquer Belgrade à une sorte de réaction précipitée.
Il est évident que Priština avec de tels agissements veut effacer 10 ans de dialogue, qui est le seul moyen de résoudre les questions ouvertes. Ces provocations confirment une fois de plus que les institutions intérimaires de Priština, non seulement n'entendent pas mettre en œuvre tout ce qui a été convenu dans le dialogue de Bruxelles, mais que leur objectif est de nier complètement le dialogue comme moyen de résoudre les problèmes. Le manque de crédibilité de Priština et son jeu dangereux avec le feu, qui peuvent avoir des conséquences imprévisibles, ne peuvent être traités efficacement en appelant «les deux parties» à faire preuve d'esprit constructif et de retenue, ce qui est depuis longtemps un moyen de communication publique de certains facteurs importants au sein de la communauté internationale. Il n'y a qu'une source de déstabilisation, elle a un nom - elle s'appelle les institutions intérimaires d'autonomie de Priština - et après les événements du 13 octobre, il est clair qu'elle peut et doit être stoppée par une action urgente et décisive de la communauté internationale. Il est maintenant tout à fait évident qu'il ne s'agit plus de provocations sporadiques et isolées de Priština, mais qu'il s'agit d'une campagne organisée de violence à motivation ethnique et de discrimination contre les Serbes.
Nous exprimons également notre préoccupation face à la dernière imposition des taxes de Priština sur certains produits de la Serbie centrale, qui a été annoncée le 8 octobre. Nous rappelons que la décision unilatérale de Priština d'imposer des droits de douane sur les produits de la Serbie centrale en novembre 2018 a entraîné de facto un blocus commercial total et une impasse à long terme dans le dialogue entre Belgrade et Priština. Contrairement à Priština, qui cherche obstinément à établir des barrières vers la Serbie centrale par des actes unilatéraux, Belgrade s'efforce de manière persistante et constante de libéraliser les flux de personnes, de biens, de services et de capitaux, ce qui est l'intention fondamentale de notre initiative «Les Balkans ouverts».
Honorables membres du Conseil de sécurité,
Au cours de la période de mars à septembre de cette année, à laquelle se réfère le dernier rapport, près d'une centaine d'attaques à motivation ethnique ont été perpétrées contre des Serbes, leurs biens privés et les sites du patrimoine religieux et culturel. L'augmentation de la fréquence des attaques s'est accompagnée d'un renforcement de l'intensité de la violence à motivation ethnique, qui cible de plus en plus les enfants, les personnes âgées, les femmes, un petit nombre de rapatriés, ainsi que les églises et autres sites de l'Église orthodoxe serbe.
Cela renforce systématiquement le sentiment omniprésent d'insécurité des Serbes restants, mais dissuade également les rapatriés potentiels, à qui l'on dit en fait que les communautés albanaises locales peuvent les attaquer en toute impunité et les empêcher de retourner vivre dans leurs propres maisons.
L'exemple le plus édifiant de la situation des Serbes au Kosovo-Metohija est le cas de la personne déplacée Dragica Gašić, qui a de nouveau emménagé dans son appartement dans la municipalité de Đakovica début juin. Dans cette ville - que les Albanais locaux appellent fièrement l’endroit interdit aux Serbes - Mme Gašić a d'abord été agressée physiquement et verbalement par ses concitoyens albanais à son retour. Au lieu d'être protégée, cette femme gravement malade a ensuite été victime d'une persécution institutionnelle, qui a été lancée contre elle par les organes d'autonomie locale et la police. Puisqu'il s'agit d'une personne qui est le premier et le seul Serbe à rentrer à Đakovica après plus de vingt ans, il fallait s'attendre à ce qu'à ce moment-là au moins les organisations de la société civile protègent ses droits. Et pourtant, les ONG de Đakovica se sont rapidement jointes aux procédures visant à persécuter Mme Gašić, y compris celles recevant des financements de donateurs internationaux pour des projets liés au renforcement de la démocratie et de l'État de droit.
Je dois également mentionner la dernière attaque contre la maison de la seule femme serbe restante dans le centre de Peć, la professeure à la retraite Rumena Ljubić, dont les fenêtres ont été lapidées à deux reprises le 13 octobre, deux fois en seulement 24 heures.
Le sort de Dragica et Rumena est une image effrayante de l'état réel des droits de l'homme, qui attend au Kosovo-Metohija presque chacun des plus de 200.000 Serbes et non-Albanais déplacés - à condition qu'ils aient le courage de rentrer chez eux dans la province après plus de vingt ans. Je voudrais à nouveau vous rappeler que depuis 1999, seulement 1,9% environ des Serbes et autres non-Albanais déplacés à l'intérieur du pays ont effectué un retour durable au Kosovo-Metohija.
Par conséquent, je pense que ce qui est décrit encouragera les membres du Conseil de sécurité et la présence internationale sur le terrain à accorder une attention prioritaire à la question du retour des personnes déplacées, qui est une partie importante du mandat de la MINUK, prévu par la Résolution 1244 du CSNU.
Je remercie donc en particulier le Secrétaire général d'avoir maintenu cette question extrêmement importante au centre de l'attention et d'avoir réitéré, dans les conclusions de son rapport, l’appel à la création des conditions d'un retour durable des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays et d'une réintégration durable des rapatriés.
Honorables membres du Conseil de sécurité,
Les monuments médiévaux serbes du Kosovo-Metohija - y compris les monuments qui figure sur la Liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en péril en raison de leur valeur exceptionnelle, mais aussi du danger constant - font toujours partie du patrimoine culturel le plus menacé d'Europe.
Je vous rappelle qu'il y a plus de 1.300 églises et monastères serbes au Kosovo-Metohija. Les attaques contre le patrimoine culturel et religieux serbe sont en même temps des attaques contre l'identité des Serbes de la province et affectent directement leur sentiment de sécurité.
Un exemple édifiant de l'attitude irrespectueuse envers les monuments culturels et religieux serbes dans la province est le cas du monastère de Visoki Dečani. Le monastère, qui a été la cible d'attaques et de bombardements à plusieurs reprises depuis 2000, est toujours sécurisé par les forces de la KFOR en raison de sa mise en danger. Il est confronté à une série d'actions hostiles, et les auteurs ne sont pas découragés par le fait qu'il s'agit d'un site du patrimoine mondial. Malgré de fréquentes allégations déclaratives, même la décision de la prétendue «cour constitutionnelle» des institutions intérimaires d’autonomie de Priština rendue il y a cinq ans sur la confirmation de la propriété du monastère Visoki Dečani sur 24 hectares de terres. Nous saluons l'évaluation du Secrétaire général de l'ONU sur cette question.
Monsieur le président,
La République de Serbie reste déterminée à trouver une solution politique de compromis, telle qu'envisagée par la résolution 1244, qui garantira une paix et une stabilité durables. Nous sommes fermement convaincus que le dialogue et la mise en œuvre des accords atteints sont le seul bon moyen de résoudre toutes les questions ouvertes.
En tant qu'État voué au respect du droit international et membre des Nations unies, la Serbie s'oppose à toute tentative d'établir un équilibre artificiel entre les parties au dialogue, ainsi qu'à la relativisation de la responsabilité des actes unilatéraux.
Nous constatons avec préoccupation que plus de huit ans après la conclusion de l'Accord de Bruxelles, la création de l'Union des municipalités serbes n'a pas commencé, bien que Belgrade ait rempli toutes ses obligations au titre de cet accord.
Il existe également de nombreux exemples réguliers de Priština violant ou entravant les accords conclus dans le dialogue, dans les domaines de l'énergie, de la justice, de la liberté de circulation et des visites des officiels.
Un exemple en est le verdict condamnant Ivan Todosijević à deux ans de prison, qui est également indiqué dans le rapport du Secrétaire général. L'Accord de Bruxelles a été directement violé, ce qui a également été constaté par les représentants de l'Union européenne. Avec cette procédure, Priština a causé des dommages incalculables au processus de réconciliation au Kosovo-Metohija.
Malgré l'interprétation de la Commission européenne selon laquelle il s'agit d'une violation de l'Accord de Bruxelles, car Todosijević a dû être condamné par un collège composé en majorité de juges de nationalité serbe, Priština n'a toujours pas pris de mesures à ce propos.
Priština a également poursuivi la pratique consistant à interdire aux officiels serbes d'entrer sur le territoire de la province autonome du Kosovo-Metohija.
Nous pensons qu'il est important que la communauté internationale, et en particulier l'Union européenne, en tant que garante de l'accord, insiste fermement pour que les institutions intérimaires d'autonomie de Priština commencent à mettre en œuvre tous les accords conclus.
Honorables membres du Conseil de sécurité,
Comme jusqu’ici, la République de Serbie demeure pleinement déterminée à résoudre la question des personnes portées disparues, ce qui est confirmé par une coopération pleine et entière avec les mécanismes internationaux pertinents, ainsi que par la participation aux travaux du groupe de travail sur les personnes portées disparues. Nous nous attendons à ce que les représentants des institutions intérimaires d'autonomie de Priština remplissent leurs engagements aussi.
Ayant à l'esprit tout ce dont j'ai parlé, nous considérons qu'une présence internationale au Kosovo-Metohija, conformément à la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU, est toujours nécessaire. Outre la MINUK, la présence est importante de la KFOR en tant que principal garant de la sécurité et d'EULEX pour son engagement en faveur de l'état de droit. Je tiens à souligner une fois de plus que la Serbie soutient pleinement le respect du droit international, l'exécution intégrale de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies et les activités de la MINUK à une échelle non diminuée et avec des ressources financières adéquates, afin que la Mission remplisse le mandat qui lui est confié par la résolution.
Je vous remercie.